La réforme de la facture électronique est en marche, mais à quel rythme ? Alors que les premières obligations n’entreront en vigueur qu’en septembre 2026 pour les grandes entreprises et en septembre 2027 pour les PME et micro-entreprises, le marché s’agite déjà. Entre annonces précipitées, offres floues et surenchères commerciales, il est temps de prendre du recul.
Un calendrier à respecter… sans précipitation
Le calendrier est clair :
- 1er septembre 2026 : obligation de réception des factures électroniques pour toutes les entreprises, et d’émission pour les grandes entreprises et les ETI.
- 1er septembre 2027 : obligation d’émission pour les PME et micro-entreprises.
Pourtant, certains acteurs semblent vouloir brûler les étapes.
Des PDP pas encore tout à fait prêtes
Les Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP) sont au cœur de la réforme. Pourtant, nombre d’entre elles ne sont pas encore pleinement opérationnelles :
- Les API ne sont pas encore disponibles partout.
- Les offres en matière d’archivage légal, de signature électronique et d’authentification des entreprises restent floues.
- Certaines PDP annoncent déjà des baisses de prix.
- Enfin, il faut rappeler que les agréments ne sont pas encore définitifs, et que chaque mois de nouveaux éditeurs se portent candidat.
Des initiatives prématurées
L’Ordre des experts-comptables avait annoncé une plateforme gratuite de facturation pour les TPE-PME, en réponse à l’abandon du Portail Public de Facturation (PPF) par l’État. Cependant, cette initiative vient d’être abandonnée.
De leur côté, des plateformes leaders sur le marché s’efforcent d’inscrire leurs clients sur l’annuaire national dès son ouverture en juin, parfois même prévoyant de le faire à minuit une.
Donc si vous recevez une de leurs sollicitations, prenez le temps de réfléchir avant d’accepter une proposition.
Cette course contre la montre interroge sur l’intérêt réél pour les entreprises de suivre ses injonctions à aller vite, alors que l’on ne dispose pas encore de toutes les modalités de mise en œuvre de la réforme. Par exemple, nous ne savons pas encore comment il sera possible de changer de PDP, ni quels seront les coûts de résiliation.
Des pratiques commerciales discutables
Une célèbre néo-banque française propose désormais un logiciel de facturation gratuit, accessible à tous les professionnels depuis tout récemment, en lien avec cette réforme. Cependant, en utilisant cet outil, les utilisateurs acceptent implicitement que cette banque soit leur PDP. Cette information, bien que mentionnée dans les conditions générales, n’est pas clairement mise en avant lors du parcours d’inscription. Une telle approche soulève des questions, car elle pourrait induire les utilisateurs en erreur quant à leur choix de PDP.
Une communication qui questionne
CER France mène actuellement une campagne publicitaire intensive avec le slogan « Mes factures ? C’est mon comptable ! » Cette affirmation, bien que rassurante, soulève des interrogations : les experts-comptables ont-ils pris le temps de comprendre les besoins spécifiques de chaque entreprise, ou bien leur objectif est-il d’abord de pousser leurs propres solutions ? Cette précipitation dans la communication semble davantage motivée par une volonté de capter le marché que par une réelle préparation.
Une concentration inquiétante du marché
Les banques s’intéressent de près au marché des PDP, puisque la plupart d’entres elles ont acquis ou développé une solution. Ainsi tout récemment, Crédit Mutuel Arkéa a acquis Seqino, une solution française de facturation électronique immatriculée en tant que PDP. Cette acquisition permet à la banque de proposer une solution clé en main pour la gestion des factures.
Cette tendance à la concentration du marché entre les mains de quelques acteurs financiers pose la question de la diversité et de la concurrence dans le secteur de la facturation électronique.
La face cachée des PDP en marque blanche
Un autre phénomène mérite attention : plus de la moitié des PDP proposées sur le marché sont en réalité des solutions en marque blanche. Cela signifie que le véritable opérateur technique est dissimulé derrière une autre marque, souvent celle d’un éditeur de logiciel ou d’un cabinet comptable. Cette opacité peut poser problème, notamment en cas de dysfonctionnement ou de non-conformité, car l’entreprise cliente ne sait pas toujours à qui s’adresser.
Prendre le temps de bien faire
En tant qu’éditeur de logiciel de facturation, nous avons fait le choix d’intégrer plusieurs solutions PDP dans notre offre, afin de garantir la conformité, et le choix à tous nos clients. Mais nous préférons attendre que les offres soient matures et que les services clairement définis avant de communiquer dessus.
Notre priorité est de garantir à nos clients une transition sereine vers la facture électronique, en leur proposant des solutions fiables, conformes et adaptées à leurs besoins.
Conclusion
Vous l’avez compris, le bruit autour de la facture électronique est avant tout la manifestation d’une guerre commerciale entre les grands acteurs financiers du marché. Nous pensons que pour les TPE, il est essentiel de prendre le temps de comprendre les enjeux, d’analyser toutes les offres quand elles seront disponibles. Aujourd’hui, il est donc urgent d’attendre, car un choix précipité entrainera très probablement beaucoup de déconvenues.